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Arrêt no 9/91 du 18 Avril 1991 |
Arrêt no 9/91 du 18 Avril 1991
Monsieur A. E. c. P. P. Président : Guy E MARTIN-CORREIA La Cour Attendu que suite à un vol perpétré à la P. P., le sieur A. E. employé à ladite P.P. en qualité d'aide-comptable a été appréhendé et détenu à la maison d'Arrêt de Cotonou pendant 3 ans 18 jours ; Que la participation du susnommé à la commission des faits n'ayant pu être établie, une ordonnance de non-lieu du Juge d'Instruction confirmée par la Chambre d'Accusation le libérait de toute poursuite judiciaire. Attendu que le sieur A. E. sollicita de son employeur sa reprise de service ; Que contre toute attente son employeur allégua de la perte de confiance pour le licencier ; Attendu que le sieur A. E. a saisi le Juge des affaires sociales aux fins de voir son employeur condamné à lui payer divers droits et indemnités évalués à la somme de 6.349.386 Francs dont 5.000.000 au titre des dommages-intérêts pour son licenciement abusif ; Attendu qu'il lui a été alloué en tout et pour tout la somme de 169.749 francs répartie ainsi qu'il suit : - Indemnité de préavis : 33.614 francs - Indemnité de licenciement : 68.907 francs - Défaut de Notification du licenciement : 33.614 francs - Indemnité compensatrice de congés-payés : 33.614 francs Attendu enfin que le Juge a déclaré le licenciement légitime et partant a débouté le Monsieur A. E. de sa demande en dommages-intérêts ; Attendu que c'est uniquement sur cette dernière disposition que la décision est querellée ; Attendu que le Sieur A. E. sollicite de la Cour l'infirmation du jugement attaqué quant à son licenciement prétendu légitime et par voie de conséquence la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 5.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts ; Qu'il développe au soutien de sa demande que la perte de confiance dont se prévaut son employeur pour justifier son licenciement ne repose sur aucun fait probant et intangible ; Que mieux une Ordonnance de NON-LIEU ayant été rendue, il est indéniable que le motif de la perte de confiance allégué par son employeur demeure fallacieux ; Qu'il échet dès lors de déclarer son licenciement abusif et de lui accorder des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi ; Attendu que l'intimée conclut de son côté à la confirmation du jugement entrepris ; Qu'elle expose que l'appelant tout en reconnaissant l'existence du vol - pour avoir déclaré que son employeur avait orchestré lui-même ce vol pour bénéficier d'une prime d'assurance - en conteste l'imputabilité ; Que l'appelant se retranchant derrière une prétendue dispense de preuve, ne rapporte ni n'offre de rapporter la moindre preuve de ce qu'il affirme ; Que le motif de la perte de confiance qu'elle fait valoir ne s'apprécie que du côté de l'employeur et que dès l'instant où la suspicion a été suffisante pour entraîner une procédure pénale et la subsistance d'un doute, l'employeur est en droit de licencier sans dommages-intérêts ; Que même en cas de relaxe du salarié, la subsistance du fait délictueux entraîne une perte de confiance ; Qu'il en résulte selon son appréciation que le licenciement du Sieur A. E. reste légitime et que celui-ci ne peut prétendre à des dommages-intérêts encore moins à des rappels de salaires correspondant à la période de sa détention préventive, le contrat de travail étant suspendu durant cette période ; Attendu que pour aboutir à considérer le licenciement pour perte de confiance comme légitime dans le cas d'espèce, le premier Juge relève dans sa motivation, qu'il y a eu un fait matériel, le vol, puisqu'une procédure judiciaire est en cours pour cette affaire, que le demandeur a été mêlé à cette histoire de vol, lui qui est l'aide-comptable de la P.P. et que la suspicion a été suffisante pour entamer la confiance qui doit exister entre l'employeur et son employé pour la bonne marche de l'Entreprise." ; Que malheureusement le même Juge n'indique pas suite à ces affirmations en quoi le demandeur a été mêlé à "cette histoire de vol" ni en quoi la suspicion a été "suffisante" pour entamer la confiance de l'employeur ; Qu'il faut y ajouter dans le même ordre d'idées que ce n'est pas parce qu'une procédure judiciaire est en cours sur une affaire pénale que le fait métériel de l'infraction est ipso facto établi et cela d'autant moins qu'en l'espèce, il est prétendu que le vol a été simulé pour escroquer l'Assurance, ce qui aurait dû inciter le Juge sinon à procéder à de plus amples investigations du moins à davantage de prudence eu égard au fait que l'employeur n'a pas attendu la fin de la procédure pour licencier son travailleur ; Qu'ainsi les "faits précis et constants" qui auraient selon le premier Juge altéré les rapports à la base du contrat de travail ne sont pas démontrés et ne peuvent donc pas entraîner que malgré le NON-LIEU rendu par la Chambre d'Accusation l'employeur n'en soit pas moins justifié à perdre confiance en son employé ; Attendu en effet que les accusations de l'employeur contre le travailleur n'ont été confortées par aucune preuve, ni témoignage ; Que bien au contraire le Sieur A. E. a été victime d'une dénonciation calomnieuse orchestrée par le nommé A. B. également au service de ladite P.P. en qualité de gardien ; Attendu que c'est en vain que celui-ci a tenté de mettre le monsieur A. E. en cause puisque ce dernier a bénéficié d'un NON-LIEU ; Que cette décision emporte la non-imputabilité au Sieur A. E. des faits mis à sa charge ; Attendu par ailleurs que la perte de confiance que rien ne justifie en droit et en fait, c'est-à-dire celle qui repose sur la seule conviction personnelle de l'employeur est insuffisante pour légitimer une décision de licenciement ; Qu'en effet, face à cette conviction toute personnelle de l'employeur, s'oppose celle du travailleur qui crie son innocence et en faveur de qui la justice a tranché par une Ordonnance de NON-LIEU ; Que privilégier la conviction personnelle de l'employeur en admettant la légitimité du licenciement pour perte de confiance reviendrait à mettre le travailleur à la merci de l'employeur, alors que le Droit Social est par essence protecteur du travailleur ; Attendu enfin que lorsqu'un employé poursuivi devant une juridiction répressive a bénéficié d'un NON-LIEU, ou d'une relaxe, la perte de confiance que l'employeur tire des faits pour justifier le licenciement du travailleur doit nécessairement être confortée par des actes ou omissions ou manquements à une obligation dûment prouvée, constitutifs de fautes professionnelles lourdes à la charge de l'employé ; Que ce n'est que sous ces réserves expresses qui font défaut en l'espèce, que les agissements d'un salarié peuvent conformément à la Doctrine et à la jurisprudence invoquées par le conseil de l'intimée, autoriser une suspicion légitime et constituer une cause sérieuse de licenciement ; Qu'ainsi, la perte de confiance ne saurait être valablement retenue ; Qu'il échet dès lors de déclarer abusif le licenciement du Sieur A. E. ; Attendu que le Sieur A. E. sollicite la somme de 5.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts ; Attendu que le susnommé à été embauché à la P. P. le 15 Juin 1978 et s'est vu licencié abusivement à un moment où la conjoncture économique est particulièrement défavorable à l'embauche ; Qu'en le privant ainsi de son travail qui lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille, la P. P. lui a causé un préjudice que la Cour évalue, compte tenu de tous ces éléments ainsi que la durée de présence de l'appelant au sein de l'officine et du taux de son salaire mensuel à 3.000.000 de francs ; Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement en matière sociale et en dernier ressort ; - Reçoit l'appel interjeté par A. E. ; - L'y déclare bien fondé ; - Dit que le licenciement dont il a été victime est abusif et qu'il a droit à l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice en découlant ; - Infirme en conséquence le jugement entrepris sur ce point ; - Condamne la P. P. à lui verser la somme de 3.000.000 francs à ce titre ; - le déboute du surplus ; - Déboute enfin la P. P. de toutes ses demandes, fins et conclusions ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement.
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