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Arrêt no 62 du 2 Mai 1986 |
Arrêt no 62 du 2 Mai 1986
Ministère Public c. BEDJI Thomas LA COUR D'APPEL SE TROUVE DANS L'IMPOSSIBILITÉ ABSOLUE DE CENSURER UN JUGEMENT CORRECTIONNEL QUI N'AURAIT PAS STATUÉ SUR UNE PRÉTENDUE EXCEPTION, LORSQU'ON NE RETROUVE NULLE PART TRACE D'UN QUELCONQUE DÉBAT SUR LADITE EXCEPTION. LORSQU'ON SOULÈVE IN LIMINE LITIS L'INCOMPÉTENCE D'UNE COUR D'APPEL DANS SA FORMATION CORRECTIONNELLE, QUI DE SURCROÎT EST SAISIE PAR LA PARTIE CIVILE, IL CONVIENT DE RAPPELER QU'UNE TELLE EXCEPTION SE RAMÈNE À LA QUALIFICATION DES INFRACTIONS DÉNONCÉES AU PARQUET QUI A LE MONOPOLE DE CETTE QUALIFICATION, QUI S'IMPOSE À TOUTES LES PARTIES SAUF DÉROGATION EXCEPTIONNELLE DU LÉGISLATEUR. IL CONVIENT DONC QU'UNE COUR D'APPEL SAISIE DANS CES CONDITIONS SE DÉCLARE COMPÉTENTE POUR CONNAÎTRE DE LA CAUSE. Président : Georges O BADA La Cour Vu le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 du Tribunal de Cotonou ayant relaxé purement et simplement les nommés ATINKPEDJOU Adrien et ATCHEDJI Comlan Isaac et condamné GBEDJI Thomas d'Aquin à 2 mois de prison ; ZOHOU René à 4 mois de prison avec sursis ; ADE Lambert à 12 mois de prison pour usage de faux, escroquerie, complicité, corruption passive et active à eux reprochés et les a condamnés en outre au remboursement des frais ; Vu les appels respectifs en date du 10 Juillet 1985 et 23 Juillet 1985 de l'Agent judiciaire du Trésor pour le compte de l'Etat Béninois, partie civile, et de Me YEKPE Lambert, Conseil du prévenu GBEDJI Thomas contre le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 sus-indiqué. Vu les pièces du dossier, Ouï l'Agent judiciaire du Trésor en ses dires et observations in limine litis tendant à voir : 1) annuler le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 querellé pour avoir omis de statuer sur l'exception d'incompétence soulevée par lui le 4 Juillet 1985, moyen tiré de la nature criminelle des infractions soumises. 2) la Cour de Céans se déclare incompétente pour connaître des faits déférés à sa censure, s'agissant d'infractions continues dont le montant s'augmente au rythme de la prorogation de l'enquête. Ouï Me YEKPE Lambert, Conseil du prévenu GBEDJI Thomas en sa réplique tendant au rejet des prétentions de l'A.J.T. Ouï le Ministère Public en son requisitoire déplorant l'attitude quasi obstructionniste de l'Agent judiciaire du Trésor, représentant l'Etat Béninois, partie civile, et appelante principale en la cause. Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement en matière correctionnelle et en appel par arrêt contradictoire. Attendu que les appels respectifs de l'Agent Judiciaire du Trésor, représentant l'Etat Béninois partie civile, et de Me YEKPE Lambert, Conseil du prévenu GBEDJI Thomas d'Aquin, en date des 8 Juillet 1985 et 23 Juillet 1985 contre le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 du Tribunal de Cotonou doivent être déclarés valides pour être interjetés dans les forme et délai de la loi. Attendu qu'in limine litis l'Etat béninois partie civile en la cause par la voix de l'Agent judiciaire du Trésor soulève : a) la nullité du jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 querellé pour avoir statué infra petita en omettant de répondre à l'exception d'incompétence du Tribunal de Cotonou siégeant en flagrant délit excipé devant ladite juridiction le 04 Juillet 1985. b) l'incompétence de la Cour de céans à connaître de la présente cause déférée à sa censure au motif que les infractions visées par le requisitoire du Ministère Public sont loin d'être accomplies s'agissant d'infractions continues dont la prolongation de l'enquête judiciaire révèle d'autres éléments importants qui rendent impensable toute poursuite judiciaire en l'état, surtout pas devant la Chambre Correctionnelle dans sa formation de flagrant délit, les faits dénoncés constituent somme toute des crimes de l'ordonnance no 70-23 du 10 Mai 1979 et non de simples délits eu égard aux qualités d'agent de l'Etat des prévenus. Attendu que Me YEKPE Lambert, Conseil du prévenu GBEDJI Thomas d'Aquin, également appelant, réplique que le jugement correctionnel attaqué peut être intégralement réexaminé par la Cour d'Appel de céans en vertu de son pouvoir d'évocation sans pour autant qu'il y ait question de son annulation ou de déclaration d'incompétence. Attendu que le Ministère Public, sur le problème de nullité du jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 du Tribunal de Cotonou soulevée s'en remet à la sagesse de la Cour d'Appel ; Mais que relativement à l'incompétence de ladite Cour siégeant en appel correctionnel arguée, il relève l'irrecevabilité de la prétention de l'Etat Béninois, partie civile au procès, et appelant principal de surcroît, qui se fonde sur une prétendue nature criminelle des faits dénoncés au Parquet par le Directeur du Trésor et de la Comptabilité Publique et qui portent sur un montant précis et définitif dix sept millions (17.000.000) de francs pour lesquels le Ministère Public qui a seul ici le monopole des poursuites avait diligenté la procédure adéquate contre les mis en cause par l'enquête policière ; Qu'il argumente que l'ordonnance no 79-23 du 10 Mai 1979 qu'on évoque au soutien de cette prévention n'a pas lieu à s'appliquer, l'auteur principal ADE Lambert étant un commerçant, et les autres, quoique agents permanents de l'Etat béninois n'étant poursuivis qu'en tant que complices ; Et qu'au surplus, il est de doctrine et de jurisprudence constantes que la qualification des faits dénoncés appartient aux seules juridictions pénales, notamment aux "juges de fond qui sont maîtres de leur qualification". Sur la nullité du jugement correctionnel no 562/A du 8 Mai 1985 soulevée Attendu qu'il est reproché par l'Agent judiciaire du Trésor au jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 du Tribunal de Cotonou d'avoir statué "infra petita" pour avoir omis de statuer sur l'exception d'incompétence du Tribunal soulevée in limine litis le 4 Juillet 1985 par l'Etat béninois représenté par l'Agent judiciaire du Trésor ; Attendu qu'une telle omission, formalité substantielle en soi, si elle est prouvée ou si on en trouve trace au jugement attaqué, entraîne de plein droit la nullité de cette décision et oblige la Cour saisie d'un appel dudit jugement à l'annuler et à évoquer la cause à nouveau ; Mais attendu que c'est la constatation de l'omission excipée au dossier déféré qui autorise les Juges d'appel à évoquer et par voie de réformation à corriger cette violation du premier Juge ; Qu'en l'absence d'un tel constat au jugement visé, ou tout au moins d'indices de ladite omission ou de la question présumant de son évocation au jugement querellé, les Juges d'appel ne doivent que s'en tenir aux contenu et énonciations dudit jugement attaqué ; Attendu que si la partie civile en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor, le Ministère Public et le relevé de notes devant le premier Juge attestent que la première a soulevé à un moment donné l'exception d'incompétence de cette juridiction et que le Juge a cru bon "joindre l'incident au fond" ; vainement dans la décision de fond intervenue et soumise à la censure de la Cour présentement, on cherche trace d'une quelconque évocation de ladite exception d'incompétence ; Attendu que tout acte authentique tel le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 querellé fait preuve totalement de son contenu ; qu'on ne saurait prouver outre et surtout contre cet acte sauf inscription de faux ; Attendu que l'action de la partie civile vise ici à voir annuler le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 querellé pour avoir omis de statuer sur l'exception d'incompétence qu'elle aurait soulevée ; Attendu que ladite décision attaquée ne comporte nulle part trace d'un quelconque débat de l'exception d'incompétence dont se prévaut l'Agent judiciaire du Trésor ; Que nécessairement dans ces conditions la Cour de céans se trouve dans l'impossibilité absolue de censurer le jugement no 562/A du 8 Juillet 1985 attaqué, mais formellement correcte en tous points ; Qu'elle se trouve donc obligée de constater et de déclarer inattaquable en tous points la décision querellée. Sur l'incompétence de la Cour de céans soulevée par la partie civile Attendu que l'Agent judiciaire du Trésor pour le compte de l'Etat béninois, partie civile soutient que la Cour d'Appel de céans doit constater sa propre incompétence à connaître de la cause déférée dans sa formation correctionnelle parce que les infractions reprochées aux prévenus sont de nature criminelle aux termes de l'ordonnance no 79-23 du 10 Mai 1979 seule applicable en la cause et que c'est à tort que le Ministère Public leur a attaché le caractère de délits correctionnels en les faisant juger comme flagrants délits par le Tribunal Correctionnel de Cotonou ; Attendu que Me YEKPE Lambert, Conseil du prévenu GBEDJI Thomas et le Ministère Public répliquent que le Tribunal et la Cour d'Appel dans leur formation correctionnelle sont bien compétents pour connaître de la cause ; l'ordonnance no 79-23 du 10 Mai 1979 évoquée par la partie civile ne pouvant trouver application, les Agents Permanents de l'Etat impliqués, ne l'étant que comme complices de ADE Lambert, l'auteur principal, commerçant de profession ; Qu'au surplus, la poursuite pénale et la forme adoptée restent légalement le monopole du seul Ministère Public sauf dérogation expressément prévues par la loi, ce qui n'est pas le cas d'espèce ; Attendu que le problème d'incompétence tant du Tribunal que de la Cour d'Appel de céans soulevé par l'Agent judiciaire du Trésor représentant l'Etat Béninois, partie civile en la cause, se réduit en réalité à la question de qualification des infractions dénoncées au Parquet par le Directeur du Trésor et de la Comptabilité Publique ; Attendu que cette qualification qui seule saisit la juridiction répressive s'opère au plus tard lors de la mise en mouvement de l'action publique, monopole au Parquet excepté dérogations législatives expresses, s'impose à toutes les parties au procès pénal, sauf à elles à administrer la preuve devant les Juges de jugement, qui ne sont d'ailleurs pas liés, qu'une autre qualification peut être envisagée ; Attendu que des débats et de l'étude du dossier, il résulte que l'ordonnance no 79-23 du 10 Mai 1979 invoquée à l'appui de son action à voir la Cour se déclarer incompétente contrairement au réquisition du Parquet par la partie civile est inopérante parce que le principal auteur des faits dénoncés ADE Lambert est un commerçant donc un particulier de son état et que les auteurs inculpés, Agents Permanents de l'Etat, ne le sont qu'à titre de complices ; Que subsidiairement les faits retenus en l'espèce par le Parquet constituent bien principalement des faits d'usage de faux, escroquerie et complicité ; Attendu que de ce qui précède, c'est à tort que l'Agent judiciaire du Trésor pour le compte de l'Etat béninois, soulève l'incompétence de la Cour d'Appel dans sa formation correctionnelle, saisie d'ailleurs par le propre appel principal de la partie civile ; Qu'il échet en conséquence que la Cour se déclare compétente et valablement saisie pour connaître des appels et réserver les dépens. Par ces motifs : Et ceux non contraires du premier Juge que la Cour adopte après avoir délibéré conformément à la loi Par arrêt public, contradictoire, en appel correctionnel et en dernier ressort En la Forme : Reçoit les appels de l'Agent Judiciaire du Trésor et de Me YEKPE pour le prévenu GBEDJI Thomas d'Aquin en dates des 8 Juillet 1985 et 23 Juillet 1985 comme valides pour être intervenus dans les forme et délai de la loi Au Fond : Déclare le jugement correctionnel no 562/A du 8 Juillet 1985 déféré à sa censure formellement correcte en tous points donc insusceptible d'annulation Se déclare compétente et valablement saisie pour connaître de la cause déférée sous les qualifications initiales Réserve les dépens Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou. |