Jurisprudence Bénin
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Arrêt no 17 du 27 Février 1986 |
Arrêt no 17 du 27 Février 1986
SELON L'ARTICLE 420 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE APPLICABLE, LE DEMANDEUR POURRA ASSIGNER À SON CHOIX SOIT DEVANT LE TRIBUNAL DU DOMICILE DU DÉFENDEUR, SOIT DEVANT CELUI DU LIEU OÙ LA PROMESSE A ÉTÉ FAITE ET LA MARCHANDISE LIVRÉE, SOIT DEVANT CELUI DU LIEU OÙ LE PAIEMENT DOIT ÊTRE EFFECTUÉ. LA DEFENDERESSE AYANT SON SIÈGE SOCIAL AU JAPON ET NON AU BÉNIN, LES JURIDICTIONS DU BÉNIN SONT INCOMPÉTENTES, CE D'AUTANT QUE LA DEFENDERESSE EST DOMICILIÉ À L'ÉTRANGER. MAIS LORSQU'UNE LOI, LA LOI NO 63-2 DU 26 JUIN 1963 STIPULE QU' ET QUE LES CONDITIONS DE PROMESSE ET DE LIVRAISON DE LA MARCHANDISE AU BÉNIN SONT REMPLIES EN L'ESPÈCE, LE JUGE BÉNINOIS NE PEUT PAS EN VERTU DE CETTE LOI DÉGAGER SA COMPÉTENCE, LAQUELLE LOI ENTRAÎNE IPSO FACTO NULLITÉ DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE. Président : DURAND Alexandre La Cour Attendu que le jugement contradictoire no 165 en date du 10 Août 1983 intervenu entre la SO CRE TP et la Société MARUBENI CORPORATION a été appelé le 16 Août 1983 ; Attendu que l'acte d'appel est intervenu dans les délais de la loi, qu'il échet de le déclarer recevable ; Attendu que par exploit en date du 9 Octobre 1981 de Me LIGAN Germain huissier de justice à Cotonou, la Société commerciale de relations et réalisations de travaux publics (SO CRE TP) ayant son siège à Cotonou, assistée de Me R. DOSSOU, a assigné devant le Tribunal de Première Instance de cotonou, statuant en matière civile et commerciale, la Société MARUBENI CORPORATION ayant son siège à TOKYO au Japon, en résolution de la vente portant sur des machines de traitement de riz conclue entre elles et s'entendre condamner en outre au paiement de la somme de 43.668.257 Frs CFA au titre de répétition du prix de vente entièrement payé et à 500.000.000 Frs CFA au titre de dommages-intérêts ; Attendu que pour soutenir son action, la SO CRE TP prétend que les machines qui devraient être livrées en 46 caisses, ne furent livrées qu'en 37 caisses rendant impossible l'installation à Bohicon de l'usine ; Attendu que la Société MARUBENI CORPORATION a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de Première Instance de cotonou en se prévalant aussi bien des règles de compétence exceptionnelle que de la clause compromissoire applicable au contrat de vente qu'elle a conclu avec la SO CRE TP ; Attendu que la SO CRE TP résiste au motif qu'aux termes des dispositions de la loi no 63-2 du 26 Juin 1963 et des règles exceptionnelles de compétence applicables au contrat de vente, le Tribunal de Cotonou est bien compétent pour connaître du litige ; Attendu que le tribunal de cotonou a fait droit à l'exception soulevée par Mes KANGA et FELIHO, Conseils de la MARUBENI CORPORATION en se déclarant incompétent et renvoyant la SO CRE TP à saisir la juridiction compétente ; Que par acte d'appel en date du 16 Août 1983, la SO CRE TP par l'organe de son conseil Me DOSSOU, sollicite qu'il plaise à la Cour infirmer le jugement querellé en déclarant le tribunal de Cotonou compétent ; Attendu que les faits de la cause sont amplement articulés dans les motifs du jugement querellé, jugement auquel il convient de se référer ; Attendu qu'il convient toutefois de rappeler que le 14 Octobre 1976, la SO CRE TP a obtenu des bureaux de MARUBENI CORPORATION à Accra au Ghana, un document manuscrit portant des indications sur les machines à vendre, leurs prix de vente, les modalités de paiement etc. ; Qu'elle a demandé et obtenu de la Société MARUBENI CORPORATION la facture proforma no KC 0 395 intéressant le moulin type 4 qu'elle a finalement décidé d'acquérir et qu'elle a reçu déjà signé de MARUBENI, le contrat de vente relatif à cette machine le 27 Janvier 1977 et qu'enfin elle l'a signé et réexpédié à la Société MARUBENI ; Attendu que la Société MARUBENI a refait un second contrat de vente no 107.400 en tout point identique au premier mais différent en ce que la date d'expédition de la machine est prorogée à Octobre 1977 ; Attendu que le duplicata de ce dernier contrat a été expédié à la SO CRE TP qui, après signature l'a retourné à la Société MARUBENI au Japon ; Que le contrat ainsi signé a prévu le paiement du prix de la machine par lettre de crédit ; Qu'une clause compromissoire dénommée AR LUTRAG stipule : "Tout conflit concernant ce contrat, son interprétation ou sa rupture sera réglé par arbitrage à Tokyo au Japon, conformément aux règles de l'Association Japonnaise d'Arbitrage Commercial" ; Que la SO CRE TP a procédé à l'exécution du contrat en ouvrant le 7 Juillet 1977 une lettre de crédit dont la validité d'abord fixée au 31 Août 1977 a été prorogée au 30 Octobre 1977 ; Que le 13 Octobre suivant connaissement no KBCYO, la marchandise vendue a été embarquée en 37 caisses à bord du navire "Océan Endurance" à destination de Cotonou ; Que le 8 Novembre 1977, la SONATRAC a avisé la SO CRE TP de l'arrivée des 37 caisses qui ont alors été réceptionnées ; SUR L'EXCEPTION D'INCOMPETENCE TIREE DES REGLES DE COMPETENCE EXCEPTIONNELLE Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 420 du code de procédure civile en vigueur devant les Tribunaux de commerce, le demandeur pourra assigner à son choix soit devant le tribunal du domicile du défendeur, soit devant celui du lieu où la promesse a été faite et la marchandise livrée, soit devant celui du lieu où le paiement doit être effectué ; que l'article 420 du Code de Procédure Civile s'applique dans l'acceptation de chacun de ses termes aux contrats de droit maritime (Solus et Perrot T II P 333) ; SUR LE DOMICILE DE LA DEFENDERESSE Attendu qu'il convient de rappeler que la Sté MARUBENI CORPORATION intimée à l'action, ayant son siège social au japon et ne disposant ni d'agence ni de bureau au Bénin, était la défenderesse ; Qu'en conséquence, le Tribunal Civil et Commercial de Cotonou ne pouvait se déclarer compétent de ce chef pour connaître du litige entre les parties ; SUR LE LIEU DE LA PROMESSE DE VENTE ET DE LA LIVRAISON DE MARCHANDISES Attendu que la SO CRE TP évoque la loi no 63-2 du 26 Juin 1963 stipulant qu'est "nulle et de nul effet la clause du contrat de vente attribuant à une juridiction étrangère du jugement des litiges entre vendeur et acheteur, lorsque la promesse est faite et la marchandise livrée au Bénin." pour soutenir la compétence du Tribunal de Cotonou ; Attendu qu'en dehors de toutes autres considérations juridiques, il s'agit seulement de savoir si les conditions de promesse et de livraison des marchandises au Bénin sont remplies dans le cas d'espèce pour que s'applique cette loi béninoise qui dénie toute compétence aux juridictions étrangères ; SUR LE LIEU DE LA PROMESSE OU DE LA CONCLUSION DU CONTRAT Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que la commune intention des parties est de considérer le document contractuel du 14 Octobre 1976 comme seul acte renfermant l'intégralité des points d'accord entre les parties : objet de la vente, prix, conditions de paiement, commission, frais d'installation, durée de la garantie ; Attendu qu'il est établi que Monsieur TANAKA s'est rendu expressément à Cotonou du 13 au 14 Octobre 1976 aux fins de finaliser l'accord avec SO CRE TP (Attestation de l'Hotel du Port en date du 25 Juin 1983) ; Qu'en conséquence seul Cotonou peut être retenu comme le lieu de la conclusion du contrat tant au terme de l'article 420 du code de procédure civile, qu'au terme de la loi no 63-2 du 26 Juin 1963 ; Attendu que même dans l'hypothèse des documents signés par correspondances, relativement aux documents excipés par MARUBENI (R 15 208.700 et RB 107.400) considérés comme documents contractuels, il est constant que leur signature s'est opérée par correspondance, documents expédiés par voie postale d'Accra à SO CRE TP à Cotonou et signés à Cotonou par SO CRE TP puis expédiés tantôt sur Accra tantôt sur le Japon Attendu que c'est à partir du jour et à l'endroit où l'acceptation a été donnée que les deux volontés de contracter coexistent et se sont rencontrées ; Que le contrat est dès lors conclu et parfait (Solus et Perrot Droit Judiciaire Privé ED Sevry Tome II P 335) Cass req 21 Mars 1932 S. 1932 I. 278 Cass soc 2 Juillet 1962 Bull cass 1969.5.382 SUR LE LIEU DE LA LIVRAISON Attendu que la remise de la marchandise par l'expéditeur au transporteur ne constitue pas livraison au sens de l'article 420 du code procédure civile ; il y a simplement prise en charge par le transporteur ; Attendu que la livraison n'est réalisée qu'à l'arrivée à destination par remise de la marchandise au destinataire ; Cass civile 23 Octobre 1929. S. 1930. I. 289. Attendu que les conditions d'application de la loi no 63-2 du 26 Juin 1963 étant remplies, le juge Béninois ne peut en vertu de cette loi dégager sa compétence, laquelle loi entraîne ipso facto nullité de la clause compromissoire CA Cotonou Arrêt no 19 du 7 Septembre 1981 ; Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; En la Forme : Reçoit comme régulier l'acte d'appel de la Sté SO CRE TP ; Au Fond sur la Compétence : Rejette les conclusions fins et moyens de la Sté MARUBENI ; Reçoit la SO CRE TP en ses conclusions ; Infirme la décision querellée et déclare compétent le tribunal de première instance de Cotonou ; Réserve le droit de MARUBENI CORPORATION à conclure sur le fond ; Renvoie les parties à saisir à cette fin ladite juridiction ; Réserve les dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou. |