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Arrêt no 10 du 13 Février 1986 Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

Arrêt no 10 du 13 Février 1986
Source : SIJIP - Système d'informations juridiques, institutionnelles et politiques (A.I.F.)

 


Veuve GBAGUIDI Marcelline et 6 Autres c. ADAMOU LAMINOU ABOUSSATOU et 5 Autres
COMPETENCE DE LA CHAMBRE MODERNE OU TRADITIONNELLE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE - SUCCESSION COUTUMIERE : LIQUIDATION ET PARTAGE - EXCEPTION D'INCOMPETENCE DU TRIBUNAL CIVIL MODERNE - TESTAMENT OLOGRAPHE - ACTE NOTARIE - EXTRAIT D'ACTE DE MARIAGE DU REGISTRE DE L'ETAT CIVIL AFRICAIN - MARIAGE CELEBRE CONFORMEMENT A LA COUTUME DES EPOUX - SANS DOT - MARIAGE CELEBRE SELON LE DROIT TRADITIONNEL (OUI) - MARIAGE CELEBRE SELON LE CODE CIVIL FRANCAIS (NON) RENONCIATION DU STATUT PERSONNEL DU DE CUJUS (NON) - CONFLIT ENTRE LOIS DE DROIT MODERNE ET DU DROIT TRADITIONNEL (NON)- CONFLIT DE COUTUMES (OUI) - APPLICATION DU DROIT LOCAL POUR LA DEVOLUTION ET LE PARTAGE DE SUCCESSION (OUI) - LIBERTE TESTAMENTAIRE (NON) - REJET DE L'EXCEPTION D'INCOMPETENCE DU PREMIER JUGE (OUI)- INFIRMATION

LORSQUE, IN LIMINE LITIS, LA DÉFENDERESSE SOULÈVE L'INCOMPÉTENCE DU TRIBUNAL DE DROIT CIVIL MODERNE, AU MOTIF QUE LA SUCCESSION DONT S'AGIT, RELÈVE DU DROIT COUTUMIER, LE TRIBUNAL DE CÉANS SAISI SUR L'ASSIGNATION, FORME DE SAISINE EN DROIT MODERNE DOIT REJETER L'EXCEPTION SOULEVÉE, ET S'ADJOINDRE TOUT SIMPLEMENT UN OU DEUX ASSESSEURS TRADITIONNELS À TITRE CONSULTATIF, S'IL ESTIME QUE LE PROBLÈME POSÉ RELÈVE DE LA DÉVOLUTION ET DU PARTAGE D'UNE SUCCESSION COUTUMIÈRE.

MAIS S'IL AVAIT ÉTÉ SAISI PAR REQUÊTE, LE RENVOI DE LA CAUSE ET DES PARTIES À LA CHAMBRE TRADITIONNELLE S'IMPOSERAIT.

DÈS LORS, LA COUR EST FONDÉE À RENVOYER LA CAUSE ET LES PARTIES AU PREMIER JUGE POUR ÊTRE STATUÉ COMME DÉCIDÉ.

Président : Alexandre DURAND
Greffier : Irène O AITCHEDJI
Conseillers : ALKOIRET TRAORE B Ousmane ; Victoire YEHOUENOU
Avocats : CAMPBELL da - SILVA ; Alfred POGNON

La Cour

Vu les pièces du dossier ;

Ouï les conseils des parties en leurs conclusions ;

Ouï le Ministère Public en son rapport à justice ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la Forme :

Attendu que le jugement contradictoire no 93 du 10 Avril 1985 intervenu entre veuve GBAGUIDi Marcelline née QUENUM et 6 autres contre ADAMOU Laminou Aboussatou et 5 autres a été appelé le 19 Avril 1985 par GBAGUIDI Marcelline, Alfred, Gisèle, Lydie, Grâce, Christiane et Clémentine ;

Attendu que l'acte d'appel est intervenu dans les délais de la loi ; Qu'il échet de le déclarer recevable.

Au Fond :

Attendu que le 24 Juin 1983, GBAGUIDI Gandigbé Marcel décédait à Abidjan, après avoir laissé dans les mains de Me COLOMBIANO, Greffier notaire à Cotonou le 14 Octobre 1955 un testament olographe, à l'ouverture duquel le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou a procédé le 5 Janvier 1984, en présence de toutes les parties au procès ;

Attendu qu'il échet de rappeler que les parties au procès sont les suivantes : L'épouse légitime QUENUM Marcelline épouse GBAGUIDI avec ses six enfants Alfred, Gisèle épouse Mensah, Lydie, Grâce épouse TEVOEDJRE, Christiane, Clémence et ADAMON Laminou Aboussatou avec laquelle GBAGUIDI Gandigbé Marcel a vécu maritalement et de laquelle il eut 5 enfants, Isabelle, Sylvie, Adeline, Edgard, Faustin, quoique l'on n'ait relevé au dossier l'existence d'un quelconque instrumentum constatant leur union ;

Attendu que par assignation en date du 11 Décembre 1984 dame QUENUM Marcelline épouse GBAGUIDI, attrait dame ADAMON Laminou Aboussatou et ses cinq enfants devant le Tribunal civil de droit moderne de Cotonou pour voir procéder à la liquidation et au partage de la sucession ;

Attendu que ADAMON Laminou Aboussatou a soulevé in limine litis, l'incompétence du Tribunal de droit civil moderne saisi, au motif que la succession dont il s'agit relève du droit coutumier ; Attendu que par jugement no 93 en date du 10 Avril 1985, le Tribunal de droit civil moderne s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant la juridiction compétente ; Que telle est la décision appelée ;

Sur l'option de juridiction

Attendu qu'il convient de rappeler l'article 369 de la Loi no 81-004 du 21 Janvier 1981 sur l'organisation judiciaire qui dispose que : Jusqu'à la promulgation du Code de Procédure Pénale, du Code de Procédure civile et du Code de Procédure commerciale toutes les règles de procédure actuellement en vigueur devant les anciennes juridictions restent applicables devant les nouvelles juridictions en ce qu'elles n'ont rien de contraire à la présente Loi ; Qu'il convient de rappeler également l'article 48 de la présente Loi lequel article 48 dispose : le Tribunal Populaire de District est juge du droit commun en matière civile, commerciale, pénale, sociale et des mineurs ;

Attendu qu'il échet de rappeler aussi que l'article 48 précité est la reprise des articles 30 et 34 de la Loi 64-28 du 9 Décembre 1964 portant organisation judiciaire ;

Attendu que l'article 30 dispose : Les Tribunaux de Première Instance sont juges de droit commun en matière pénale, civile, commerciale et sociale quel que soit le statut personnel des parties : et dans les formes de procédure actuellement en vigueur ;

Article 34 : Les Tribunaux de Première Instance statuant en matière traditionnelle s'adjoignent un ou deux assesseurs à titre consultatif dans les conditions fixées par les textes actuellement applicables devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou et les sections dudit Tribunal saisis d'accord parties par des citoyens de statut traditionnel ; L'option de législation reste possible dans les formes actuelles de la Loi ;

Attendu qu'il résulte du jeu combiné de ces différentes dispositions législatives que le problème de l'option de la juridiction est réglé par nos différentes lois d'organisation judiciaire ; Que le premier Juge a erré en se déclarant incompétent quant surtout en tant que juge du droit civil moderne, il a été saisi dans les formes de procédure en vigueur c'est-à-dire par voie d'assignation ; Que tout au plus aurait-il pu faire un acte d'administration judiciaire en transmettant la procédure à la section traditionnelle du Tribunal de Première Instance de Cotonou, s'il avait été saisi par simple requête, forme de procédure de saisine en vigueur en matière traditionnelle ;

Qu'il appartient au Président de rejeter l'exception d'incompétence, mais de s'adjoindre au terme de l'article 34 sus-visé, un ou deux assesseurs traditionnels à titre consultatif s'il estime que le problème posé relève de la dévolution et du partage d'une succession coutumière ; Qu'il y a lieu d'infirmer sur ce point ;

Sur l'option de la législation

Attendu que l'article 34 in fine plus haut visé stipule que l'option de la législation reste possible dans les formes actuelles de la loi ;

Attendu que dans le cas d'espèce si GBAGUIDI Marcelline entend, motif tiré de l'instrumentum de l'acte de mariage et de la forme du testament, faire régler le conflit par les formes du droit civil moderne, dame Aboussatou ADAMON Laminou entend faire régler le problème de l'exécution du testament par les formes du droit traditionnel ;

Attendu que l'option de législation se définit comme les facultés reconnues à toutes personnes de renoncer à sa coutume pour se placer volontairement sous la juridiction du droit français à l'occasion d'un acte ou d'une situation juridique déterminée ;

Attendu qu'au terme de l'article 82 de la Constitution du 27 Octobre 1946, les citoyens qui n'ont pas le statut français conservent un statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ;

Attendu que comme condition du fond, la déclaration de renonciation ne peut émaner que d'une personne capable majeure ; Que quant aux conditions de forme, la déclaration est de la compétence du Tribunal Civil Français ; Qu'il est donné acte au renoncement de sa déclaration ;

Attendu que l'acte de renonciation du statut personnel de GBAGUIDI Gandigbé Marcel ne figure pas au dossier ;

Attendu que la renonciation peut également provenir d'une déclaration spéciale de mariage monogamique figurant à l'acte du mariage ; Que l'option de législation à propos de mariage est prévu par les décrets du 19 Novembre 1947 et du 14 Septembre 1951 qui portent sur la monogamie ; Que le mariage pour tous ces autres effets demeurent coutumiers ; Que l'acte de mariage versé au dossier est ainsi intitulé ;

"Extrait du registre de l'état civil africain pour l'année 1947. Le mariage entre GBAGUIDI Marcel et QUENUM Marcelline a eu lieu à TASSAOUA cercle de MARADI le 31 Décembre 1947 conformément à la contume fon ; Le mariage a été fait sans dot ;

Déclaration en a été faite par GBAGUIDI Marcel et Marcelline QUENUM domiciliés à Tassoua à nous PIOZIN Frédéric, Chef de Subdivision ;

Attendu qu'il résulte de cet instrumentum, qu'il s'agit d'une déclaration de mariage, élément caractéristique du mariage traditionnel et non d'une célébration du mariage selon les textes du Code Civil Français ;

Attendu pour le surplus qu'il n'est versé au dossier aucun certificat de nationalité française relativement au decujus ;

Attendu que le décret du 20 Novembre 1932, a réservé la compétence des coutumes en matière de l'état des personnes, des successions, des donations et des testaments ; Que le problème ne se pose plus en terme de conflit entre lois de droit moderne et du droit traditionnel, mais en terme du conflit de coutumes ;

Attendu que la Doctrine revèle cf René PANTRAT page 22 : """ en matière de succession, si le testament a été passé devant notaire en tant que mode de preuve, il aura peut être la force des actes authentiques du droit français, mas au fond il ne pourrait faire écarter l'application du droit local pour la dévolution et le partage de la succession que si la coutume du défunt admet la liberté testamentaire, ce qui est exceptionnel dans les coutumes africaines."""

Par ces motifs :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort

En la Forme :

Reçoit comme régulièrement interjetés les appels de QUENUM Marcelline épouse GBAGUIDI Gandigbé Marcel, de GBAGUIDI Alfred, de GBAGUIDI Gisèle épouse MENSAH, GBAGUIDI Lydie, de GBAGUIDI GrYce épouse TEVOEDJRE, de GBAGUIDI Christiane, de GBAGUIDI Clémence ;

Au Fond :

Dit qu'il n'est versé au dossier aucune déclaration de renonciation par feu GBAGUIDI Gandigbé Marcel à son statut personnel

Qu'en conséquence le De Cujus reste régi par le statut civil particulier quant à la dévolution et au partage de la succession

Dit que les Béninois de statut civil particulier peuvent réclamer le bénéfice de la juridiction de droit commun si aucun déclinatoire de compétence n'est opposé in limine litis ; Que tel n'est pas le cas

Dit et juge cependant qu'aux termes des articles 48 et 369 de la nouvelle loi d'organisation judiciaire combinés de la loi 14-28 du 9 Décembre 1964, la juridiction saisie est compétente pour examiner l'objet de la demande relative à l'exécution du testament notarié du de cujus à condition de s'adjoindre un ou deux assesseurs de la coutume des parties à titre consultatif

Infirme sur ce point

Renvoie la cause et les parties devant le premier Juge pour être statué ainsi que cela a été décidé

Condamne les deux parties aux dépens dans la proportion de un demi.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou.