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Arrêt no 28 du 7 Mars 1985 |
Arrêt no 28 du 7 Mars 1985
MACHIOUDI BELLO Razaki c c. ABADJIDE Kouboura Adidja MAIS DOIT ÊTRE DÉCLARÉ NUL UN ACTE DE RÉVOCATION FAITE PAR UNE PERSONNE QUI RÉUNIT SUR SA TÊTE LA QUALITÉ DE DONATEUR ET CELLE D'ADMINISTRATEUR LÉGAL DES BIENS DE SES ENFANTS DONATAIRES, PARCE QU'IL EST CENSÉ, EN FAISANT LA DONATION QU'IL ATTAQUE, L'ACCEPTER EN MÊME TEMPS POUR LE COMPTE DE SES ENFANTS. CEPENDANT, EN VERTU DU POUVOIR D'APPRÉCIATION SOUVERAINE QUE L'ARTICLE 1184 DU CODE CIVIL CONFÈRE AU JUGE, CELUI-CI PEUT ACCORDER UNE RÉVOCATION PARTIELLE OU TOTALE, EN RECHERCHANT LE CARACTÈRE IMPULSIF ET DÉTERMINANT DE LA CHARGE POUR LE DONATEUR QUAND IL FAISAIT SA LIBÉRALITÉ. C'EST POURQUOI EN L'ESPÈCE, EU ÉGARD À L'ÉTAT PHYSIQUE ET MENTAL DU DONATEUR, IL Y A LIEU DE PRONONCER LA RÉVOCATION JUDICIAIRE PARTIELLE DE LA DONATION ET DE RECONNAÎTRE PAR CONSÉQUENT À L'INTIMÉE ET À SES ENFANTS LE DROIT DE PROPRIÉTÉ SUR UNE PARTIE DE LA CONCESSION LITIGIEUSE.
La Cour Attendu que l'arrêt no 4 ADD du 9 Janvier 1986, affaire civile entre MACHIOUDI Bello Razaki et BABADJIDE Kouboura Adidja a déjà statué sur la recevabilité de l'appel du jugement no 149 du 24 Juillet 1986 ayant confirmé la propriété de BABADJIDE Kouboura Adidja sur les parcelles "D" et "E" du lot 184 sis à Akpakpa Cotonou objet du titre foncier 1126 et la propriété exclusive de la même BABADJIDE Kouboura sur toutes les constructions y édifiées, a ordonné l'expulsion avec exécution provisoire de BELLO Razaki des parcelles litigieuses ; Attendu que BELLO Razaki a assigné BABADJIDE Kouboura Adidja aux fins de défense à exécution provisoire ; Que ledit arrêt no 4 ADD du 9 Janvier 1986 a ordonné la jonction de l'incident au fond aux fins qu'il fut statué sur l'incident et sur le fond par un seul et même arrêt, mais ce après transport sur les lieux ; Attendu que la demanderesse à l'action, l'intimée dame BABADJIDE Kouboura Adidja expose qu'elle a vécu maritalement avec Machioudi BELLO Razaki depuis 1976 ; trois enfants sont issus de leurs oeuvres communes ; - Aziz né le 27 Avril 1979 ; - Romanatou née le 8 Décembre 1980 ; - Machioudi Babatoundé né le 8 Août 1982 ; Que quatre mois après la naissance du benjamin les concubins devraient se séparer fin 1982, mais qu'auparavant courant 1978, alors qu'elle était occupée à son activité commerciale, elle remit à son concubin une somme 2.000.000 francs pour procéder à l'achat d'un terrain en vue de la construction de leur logement d'habitation qu'en raison de l'intimité de leurs rapports, elle n'a pas cru devoir exiger une preuve écrite de cette remise que son ami cepedant devait lui indiquer qu'il avait procédé à l'acquisition de deux parcelles "D" et "E" lot 184 à Cotonou II à Akpakpa, lesquelles parcelles ont été vendues par Mathieu TENGUE par procuration et une convention établie à cet effet le 15 Mai 1980. Que plus tard par l'intermédiaire de son ex-concubin elle y entreprit des travaux de construction d'une maison à étage exclusivement à ses frais ; qu'après leur séparation en 1982, elle exigea de son ex-concubin une reddition des comptes et s'apercevait que le père de ses enfants l'avait spolié sans faire mention sur aucun acte de vente et facture de ses noms, prénoms et coordonnées ; Qu'après plusieurs réunions de famille, ils décidèrent amiablement de mettre un terme au litige qui les opposait par un acte exprès de donation entre vifs des biens litigieux par l'appelant à ses enfants sus mentionnés ; Qu'au terme de l'acte notarié passé devant Me ADEBO, il était notamment stipulé : "Les parcelles objet de la donation appartiennent à BELLO donateur, conjointement avec son épouse Kouboura BABADJIDE pour les avoir acquises du cde Dossou Daniel TENGUE père de Mathieu TENGUE ; Qu'en dépit de cet acte et ce de façon surprenante, et suivant exploit de Me LIGAN du 27 Juillet 1984, il lui fut signifié la révocation de la donation ainsi intervenue et ce par Ministère de Me ANANI, Notaire à Cotonou le 26 Janvier 1984 ; Que cette révocation qui lui a été signifiée 6 mois après faisait entièrement fi des dispositions des articles 953 et suivants du Code Civil ; Que la mauvaise foi de son ex-concubin étant patente, elle n'a d'autres issues que de s'adresser à justice ; Attendu que répliquant à cette version des faits, Machioudi BELLO Razaki devait déclarer qu'il a vécu maritalement depuis 1976 avec sa deuxième concubine, la nommée BABADJIDE Salami Koubourath ; Que trois enfants sont issus de leur union ; Que courant 1982, il prit une troisième concubine ; Que ce fut la cause de la rupture ; Que BABADJIDE regagna ses parents en 1983 et promit de lui faire voir de toutes les couleurs ; Qu'avant cette séparation, il acquit en Juin-Juillet 1980, deux parcelles de terrain jumelées et sises à Cotonou II sur lesquelles il a entrepris de construire grâce à un prêt hypothécaire à lui consenti par la Banque Commerciale du Bénin ; Que le 7 Décembre 1983, recourant à diverses pressions, dame BABADJIDE le contraignit à consentir une donation desdits immeubles exclusivement aux enfants issus d'eux ; Que le 19 Octobre 1983, un enfant naquit de ses oeuvres avec sa 3ème concubine ; Que le remords provoqué chez lui par cette naissance lui donnait le courage d'affronter sa deuxième concubine, BABADJIDE ; Qu'ainsi par acte reçu en l'étude de Me ANANI, Notaire en date du 26 Janvier 1984, il révoqua sa donation le 7 Décembre 1983 conformément aux articles 953 et suivants du Code Civil ; Que la révocation fut signifiée à dame BABADJIDE le 27 Juillet 1984 ; Sur la Procédure : Attendu que cette signification provoqua une double procédure, une procédure de référé introduite à la requête de dame BABADJIDE Salami par exploit du 28 Janvier 1985, laquelle aboutit à l'ordonnance no 95 du 14 Février 1985 du Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou dont le dispositif est ainsi conçu ; En la forme : Nous nous déclarons compétent Recevons dame BABADJIDE Salami Koubourath en son action Au Fond : L'y déclarons entièrement fondée ; Ordonnons Machioudi BELLO Razaki de cesser ou de faire cesser tous travaux de quelque nature que ce soit sur le chantier de construction des parcelles D et E du lot 184 sis à Akpakpa Cotonou II jusqu'au règlement définitif du conflit opposant dame BABADJIDE Salami Koubourath Disons qu'en cas de refus ou de toute opposition, l'intéressé y sera contraint par la force publique Ordonnons l'exécution provisoire de la présente Attendu que la seconde procédure, celle du fond introduite par exploit du 25 Septembre 1984 ; Qu'elle aboutit au jugement no 149 du 24 Juillet 1985 dont le dispositif est ainsi conçu - Déclare nulles et de nuls effets pour fraude, la convention de vente en date du 15 Mai 1980, ainsi que la révocation en date du 26 Janvier 1980 de la donation du 7 Décembre 1983 - Confirme à titre subsidiaire la donation faite devant ADEBO, notaire le 7 Décembre 1983 par BELLO Razaki et portant sur les installations édifiées sur les parcelles en litige - Ordonne l'expulsion de BELLO Razaki tant de sa personne, de ses biens, que de tous occupants de son chef des deux immeubles - Condamne BELLO Machioudi Razai à payer à la dame BABADJIDE Salami la somme de 1.250.000 frs à titre de dommages-intérêts - Dit qu'en ce qui concerne l'expulsion le présent jugement sera exécuté par provision Sur la défense à exécution provisoire : Attendu que les moyens de droit soulevés par Machioudi BELLO Razaki à l'appui de sa requête en défense à exécution sont intimement liés au fond du droit, lequel est fortement contesté ; Que lorsque le fond du droit est contesté les cours peuvent accorder des défenses à exécution CA DIJON 1ère Chambre 19 oct. 1971 Epinat c/ Ville de Macon et autres JCP 1971 Que dans le cas d'espèce, l'incident ayant été joint au fond, rendre une décision relativement à cet incident apparaît superfétatoire et sans objet Sur le fond du droit : Attendu que plusieurs constantes sont à relever : - Le concubinage notoire des parties de 1976 à 1982 ayant abouti à la naissance de trois enfants Attendu qu'il est également constant que les constructions élevées sur les parcelles "D" et "E" du lot 184 de Cotonou II, objet du titre foncier 1126 font une valeur estimative de 30 ou 35 millions de francs Attendu qu'il s'agit d'un immeuble comportant un rez-de-chaussée entièrement occupé par BELLO Razaki Machioudi et d'un étage en chantier non encore occupé Attendu qu'il est également constant que BELLO Razaki Machioudi qui soutient être seul propriétaire de l'immeuble prétend l'avoir réalisé avec un prêt bancaire immobilier de 5.000.000 de francs Attendu qu'il est également constant que le 7 Décembre 1983 en l'étude de Me Djamiou ADEBO, Notaire un acte de donation entre vifs est intervenu entre Abdou Razaki Machioudi BELLO et ses enfants Aziz A. Romanatou A. et Machioudi Babatoundé BELLO, issus de ses oeuvres avec dame BABADJIDE Salami Koubourath Attendu que le 26 Mars 1984, il est constant qu'un autre acte notarié est intervenu en l'étude de Me Fançois ANANI portant révocation de la donation notariée du 7 Décembre 1983 Sur la validité de l'acte notarié du 7 Octobre 1983 Attendu que la donation entre vifs est essentiellement un contrat solennel nécessitant l'emploi de certaines formalités prescrites par la loi ; Que ces formalités sont la rédaction d'un acte notarié, l'acceptation expresse du donataire Attendu qu'au terme de l'art 931 du Code Civil : "Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans les formes ordinaires des contrats et il en restera minute sous peine de nullité" Attendu que la nullité de l'acte de donation n'ayant pas été soulevé, il apparaît que la donation intervenue à l'Etude de Me ADEBO le 7 Décembre 1983 est parfaite et conforme aux dispositions de la loi Sur la validité de l'acte de révocation du 26 Mars 1984 : Attendu que si l'article 894 du Code civil affirme le principe de l'irrévocabilité des donations, ce principe est atténué par des exceptions de l'article 953 du Code civil, qui opèrent plutôt comme des causes de résolution, car elles dépendent des causes particulières étrangères au donateur et non pas comme la révocabilité d'un simple changement de volonté du donateur Attendu que ces causes de révocation ou de résolution sont : 1 - l'inexécution des charges 2 - l'ingratitude du donataire 3 - la survenance d'enfant chez le donateur. Attendu que les deux premières exceptions sont soumises à une condition de forme, exigence de l'article 956 du Code Civil, elles doivent être demandées en Justice Attendu que seule la troisième exception peut s'opérer de plein droit ; Qu'en effet l'article 960 du Code civil pose : Lorsqu'une donation est faite par une personne qui n'a pas encore d'enfant, elle est révoquée de plein droit si par la suite, un enfant survient au donateur Attendu que l'exception ne s'applique que pour les personnes qui n'ont pas encore d'enfant Que BELLO Razaki réunissant sur sa tête et la qualité de donateur et celle d'administrateur légal des biens de ses enfants donataires, il est censé en faisant la donation qu'il attaque, l'accepter en même temps pour le compte desdits enfants Qu'en tout état de cause l'acte de révocation du 2 Mars 1984 doit être déclaré nul Attendu cependant que partant des pouvoirs donnés au juge par l'article 1134 du Code civil, celui-ci peut accorder la révocation soit partielle, soit totale et, cela en recherchant le caractère impulsif et déterminant de la charge pour le donateur quand il fait sa libéralité Attendu que l'état de cécité totale de BELLO Razaki qui apparaît dans cette procédure comme un handicapé physique et partant, psychiquement, mentalement et moralement diminué appelle l'intervention du juge pour une décision au plan de l'équité Attendu qu'il peut être relevé dans l'acte notarié du 7 Décembre 1983 sur l'origine de la propriété que les parcelles, objet de la donation appartiennent à BELLO donateur, conjointement avec son épouse Kouboura BABADJIDE ....... etc. Que cette déclaration suffit pour, le transport sur les lieux (PV de transport judiciaire du 20 Janvier 1986 ayant montré que la maison litigieuse comporte un rez-de-chaussée et un étage, opérer révocation judiciaire partielle de la donation relativement au rez-de-chaussée, pour en attribuer propriété à Machioudi BELLO Razaki et confirmer la donation faite au profit de Aziz A., Roumanatou et Machioudi BABATOUNDE BELLO et la propriété de Koubouratou BABADJIDE sur partie de l'immeuble et des constructions qui y sont édifiées ; Qu'il y a lieu de commettre un expert pour cette exécution après modification du plan du bâtiment de manière telle que l'une et l'autre des parties accède à son immeuble sans trouble de voisinage Sur les dommages-intérêts : Attendu que la Cour fait siens les motifs de la décision du premier juge de ce chef et les confirme. Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort Ensemble l'arrêt ADD no 4 du 9 Janvier 1986 Vu le procès-verbal de transport sur les lieux du 20 Janvier 1986 Au Fond : Déclare valable l'acte notarié de donation du 7 Décembre 1983 Déclare nul l'acte notarié de révocation du 26 Mars 1984 Confirme la décision entreprise sur les dommages-intérêts Infirmant pour le surplus Prononce sur la base de l'article 1184 du Code civil la révocation judiciaire partielle de la donation du 7 Décembre 1983 En conséquence, reconnaît à BELLO Razaki Machioudi la propriété sur le rez-de-chausée et sur le garage de la concession litigieuse sise sur les parcelles "D" et "E" lot 184 objet du titre foncier 1126 d'Akpakpa Cotonou II telle que décrite au Procès-verbal de transport du 20 Janvier 1986 annexé au présent arrêt Reconnaît à dame BABADJIDE Salami Koubourath et à ses enfants Aziz Abideme, Roumanatou Abèo et Machioudi BELLO la propriété de l'étage de la concession litigieuse sise sur les parcelles "D" et "E" du lot 184, objet du titre foncier 1126 d'Akpakpa Cotonou II, tel que décrit au Procès-verbal de transport du 20 Janvier 1986 annexé à la présente décision Nomme GBENOU Sagbohan Jacques, Architecte DPLG à Cotonou pour la modification du plan du bYtiment de manière telle que, l'une et l'autre des parties puisse accéder à la partie qui lui est assignée sans trouble de voisinage Met les frais de l'expert à la charge de chacune des parties pour moitié, Condamne Machioudi BELLO RAzaki aux dépens d'instance et d'appel Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou. |