Jurisprudence Bénin
La technologie au service du droit béninois
|
|
Arrêt no 14 du 09 Novembre 1989 |
Arrêt no 14 du 09 Novembre 1989
APPEL A ÉTÉ INTERJETÉ DE LADITE ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ. LE TRIBUNAL POPULAIRE DE PROVINCE DE L'ATLANTIQUE-OUÉMÉ A DIT QUE L'APPEL INTERJETÉ PAR LA SOCIÉTÉ SAISISSANTE EST AUSSI VALABLE POUR SON REPRÉSENTANT QUI A ÉTÉ ASSIGNÉ DEVANT LE JUGE DES RÉFÉRÉS EN SA QUALITÉ DE REPRÉSENTANT DE SA SOCIÉTÉ. LE TRIBUNAL A ÉGALEMENT INFIRMÉ L'ORDONNANCE DE RÉTRACTTAION, A CONSTATÉ QU'IL Y A UNE CONTREFAÇON DE PRODUITS, A DIT QUE LA SAISIE-CONTREFAÇON PRATIQUÉE EST JUSTIFIÉE ET QUE L'ORDONNANCE DE SAISIE PRODUIRA SON PLEIN EFFET. IL A DIT QUE, TOUTEFOIS, LA MAUVAISE FOI DE L'INTIMÉE N'EST PAS ÉTABLIE ET QU'ELLE NE PEUT ÊTRE RETENUE COMME CONCURRENTE DÉLOYALE.
Le Tribunal Populaire de Province de l'Atlantique-Ouémé Attendu que courant Avril 1988, la Société S. a acheté auprès de la Société P. ayant son siège social à Poona en Inde, 750 cartons de bleu de linge marqué "La CASA". Elle a mis ce produit en vente dans ses magasins à Cotonou ; le 28 Octobre 1988, l'Huissier de Justice Me Hortense BANKOLE de SOUZA agissant à la requête de la société R. et C., vint signifier à S. un procès-verbal de constat avec sommation interpellative au sujet du produit portant les inscriptions "DE LUXE QUALITY- LA CASA - ULTRAMARINE BLUE DESTRINE" vendu par la S. et un produit prétendu similaire portant les inscriptions "LA MAISON ULTRAMARINE BLUE DESTREE". Les deux sachets contenant chacun des produits étant de couleur bleu nuit et blanc et portant le dessin d'une case. Que le 22 Février 1989, sur la base de l'ordonnance sur requête no 56/89 rendue par le Président du Tribunal Populaire de District de Cotonou VI, le même Huissier de Justice vint pratiquer saisie réelle du produit taxé de contrefaçon, des catalogues, documents de douanes, correspondances et factures relatifs audit produit ; soixante quatorze cartons pleins et un carton entamé furent saisis. Que par contre le Gérant de S. s'opposa à toute remise de documents, correspondances et autres factures afférents aux objets saisis. Attendu que la Société S., par exploit en date du 3 Mars 1989 assigna la Société R. et C. et le sieur D.G.R. ès qualité de représentant de ladite Société au Bénin, devant le Juge des référés qui rendit l'ordonnance de référé no 117 du 23 Mars 1989 dont le dispositif suit : Rétractons notre ordonnance no 56/89 du 3 Février 1989 ; Annulons la saisie pratiquée le 22 Février 1989 ; Ordonnons l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute et avant enregistrement, nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; Condamnons la Société R. et C. et D.G.R. ès qualité aux dépens dont distraction au profit de Me CAMPBELL-da SILVA, Avocat aux offres de droit. Attendu que par exploit de Me Hortense BANKOLE de SOUZA, Huissier de Justice, en date du 27 Mars 1989, la Société R. et C., agissant par la personne de son Directeur Général assistée de Me Jean Florentin V. FELIHO Avocat, a interjeté appel de l'ordonnance précitée. Attendu que pour un plus ample exposé des faits et de la procédure il y a lieu de se référer à l'ordonnance de référé et aux écritures d'appel. Attendu que l'appel a été formalisé dans les conditions et formes prévues par la loi ; qu'il échet de le recevoir. Attendu que dans les pièces capitales de la procédure figure le nom de D.G.R. ès qualité de représentant de la Société R. et C. au Bénin ; Que c'est en cette même qualité qu'il a été assigné à personne à comparaître et que l'ordonnance querellée l'a condamné aux dépens de la procédure et ce, contradictoirement ; Que c'est en vain que l'Avocat de l'intimée vient soutenir que l'intéressé n'a pas qualité pour représenter la Société R. et C. Mais attendu que si l'ordonnance de référé est opposable à D.G.R., ce n'est qu'en sa qualité de représentant qu'elle le peut ; Que la Société R. et C. ayant relevé appel de l'ordonnance, son action intéresse et couvre également D.G.R. qui a été son représentant à un moment donné de la procédure ; Que dès lors c'est à tort que l'appelante soutient que l'ordonnance est devenue définitive à l'encontre de D.G.R. Attendu que s'il est exact que le renouvellement d'une marque ne donne pas lieu à un examen nouveau de ladite marque, le seul dépôt d'une demande de renouvellement ne peut, pour autant, valoir acceptation du renouvellement, quand on sait que le renouvellement n'est accordé que si certaines conditions de forme et de fond ont été réunies. Que faute d'avoir rapporté la preuve du renouvellement de l'enregistrement de sa marque déposée et enregistrée sous le no 7000 le 10 Octobre 1967, la Société R. et C. ne saurait prétendre à aucune protection de ladite marque. Attendu dès lors que seule doit être prise en compte la marque enregistrée à l'OAMPI le 29 Avril 1986 sous le no 26.289. Attendu que la marque enregistrée à l'OAMPI le 29 Avril 1986 sous le no 26.289 par la Société R. et C. est caractérisée par une vignette imprimée en couleurs, comprenant les mots imprimés en bleu outremer et la représentation d'une maison imprimée en blanc sur fond bleu outremer, ainsi que la mention imprimée en blanc sur fond bleu outremer. Attendu que le produit taxé de contrefaçon se présente dans un amballage presque de même dimension que celle du produit marqué ; qu'il est imprimé sur ledit emballage une maison de même forme, certes de dimensions légèrement plus réduites, mais ayant les mêmes caractéristiques ; que la mention y figure au même emplacement que sur le produit marqué ; que la mention est imprimée à la place de. Qu'il est à noter également que les inscriptions sur les deux emballages sont faites avec les mêmes caractères d'imprimerie. Que toutefois le produit taxé de contrefaçon porte, à la différence du produit marqué, au recto, les mentions "De luxe" et "quality" et au verso un cadre rectangulaire avec des inscriptions à l'intérieur, tandis que le produit dit contrefait porte au verso un cadre rectangulaire à liseret hâchuré avec à l'intérieur des inscriptions, et sous ce rectangle l'inscription. Attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'en matière de contrefaçon le Juge doit se placer dans la situation d'un acheteur moyen qui au moment de l'achat n'a pas forcément sous les yeux deux ou plusieurs marques d'un produit ; Que par ailleurs, le Juge ne doit pas rechercher si en réalité la confusion s'est produite, mais tout simplement si elle est possible. Attendu qu'en Afrique en général et au BENIN en particulier, pays où il y a une forte proportion d'analphabètes parmi les acheteurs moyens, la confusion visuelle est plus courante. Qu'en l'espèce et pour l'acheteur moyen et s'agissant d'un produit qui n'est pas de luxe et qui est d'usage plus courant chez les acheteurs moyens, les éléments de confusion sont, outre les dimensions des deux emballages, la couleur bleu outremer et la maison figurant au recto de l'emballage ; que les dissemblances relevées sont moins apparentes et assez subtiles pour l'acheteur moyen béninois. Que c'est à tort que le premier Juge a jugé que "l'effet visuel produit est si différent que les échantillons des deux produits litigieux ne produisent pas la confusion immédiate ; Qu'il échet d'infirmer sa décision sur ce point ; Evoquant, attendu qu'il résulte de ce qui précède que la marque déposée à l'OAMPI le 29 Avril 1986 sous le no 26.289 par la Société R. et C. a été contrefaite par celle vendue par la Société S. Qu'en conséquence la saisie-contrefaçon pratiquée sur la base de l'ordonnance no 56/89 du 3 Février 1989 est justifiée. SUR L'APPLICABILITE DES DISPOSITIONS DE L'ALINEA C DE L'ARTICLE 38 DE L'ANNEXE III DE L'ACCORD DE BANGUI DU 2 MARS 1977 Attendu que le texte précité stipule que : produits ou des services sous une telle marque. Attendu que l'expression implique une volonté délibérée d'agir. Qu'en introduisant cette expression dans son texte le législateur de l'Accord de Bangui a certainement voulu distinguer le fabricant du simple vendeur d'une part et d'autre part le vendeur de bonne foi du vendeur de mauvaise foi. Que dès lors il ne suffit pas d'établir qu'il y a eu imitation frauduleuse d'un produit pour incriminer un vendeur dudit produit ; qu'il faut, en sus, établir la mauvaise foi de ce vendeur ; Attendu par ailleurs qu'aux termes des dispositions de l'alinéa b de l'article 17 de l'annexe de l'Accord de BANGUI, sont illicites. Attendu que la seule introduction au BENIN, par un vendeur d'un produit, en sachant qu'il existe sur le marché un produit similaire et mieux connu ne suffit pas à établir qu'il a connaissance du caractère contrefaisant dudit produit ; il y a certes concurrence, mais la concurrence déloyale doit être établie en rapportant la preuve des manoeuvres déloyales tendant à créer une confusion ou une tromperie. Attendu que le refus par le sieur A.H., Directeur de S., de remettre les pièces et documents afférents au produit saisi ne peut être interprèté comme un comportement frauduleux ; que s'agissant de l'exécution d'une ordonnance sur requête, il appartenait au saisissant d'utiliser les voies et moyens mis à sa disposition par la loi pour obtenir la remise des documents voulus. Attendu qu'il ressort de tout ce qui précède que la S. ne peut être taxée de concurrence déloyale. Par ces motifs : Et ceux non contraires de l'ordonnance entreprise. En la forme : Reçoit la Société R. et C. en son appel. Au fond : - Dit que D.G.R. a été assigné devant le Juge des référés en qualité de représentant de la Société R. et C. - Dit en conséquence que l'appel interjeté par ladite Société est valable pour lui. - Infirme l'ordonnance de référé no 117 du 23 Mars 1989 en toutes ses dispositions. Evoquant, - Constate que la marque de bleu de lessive "Destree" déposée à l'OAMPI le 29 Avril 1986 sous le no 26.289 par la Société R. et C. a été contrefaite par celle vendue par la Société S. sous l'appelation "Destrine". - Dit en conséquence que la saisie-contrefaçon pratiquée sur la base de l'ordonnance no 56/89 du 3 Février 1989 est justifiée. - Dit que l'ordonnance no 56/89 sortira son plein et entier effet. - Dit que la mauvaise foi de la Société S. n'est pas établie. - Dit en conséquence que la S. ne peut être retenue comme concurrente déloyale. - Condamne la S. aux dépens de l'appel. - Déboute la Société R. et C. de toutes autres demandes. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par le Tribunal Populaire de Province de l'Atlantique et de l'Ouémé. |